Estimation des incertitudes de mesure lors des opérations d’échantillonnage automatique

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Public
Année: 
2022

 

L’un des principaux objectifs des mesures environnementales est de permettre la préservation et la restauration de l'état des eaux en comparant les résultats à des seuils réglementaires. Cette comparaison requiert la connaissance de l’incertitude associée aux mesures pour juger du dépassement du seuil (Eurachem (2007 ; 2019)). Les deux contributions principales à l’incertitude de mesure sont l’incertitude résultant de l’échantillonnage et celle issue de l’analyse. Si les incertitudes analytiques tendent à être estimées et renseignées pour toutes les matrices, car documentées depuis les années 2000, celles liées à l’échantillonnage sont mal connues et souvent non décrites ni estimées.
 
Quelques études ont été réalisées sur les facteurs influents et l’évaluation des incertitudes sur l’échantillonnage des eaux résiduaires. Afin de compléter ces travaux, AQUAREF a conduit une étude sur 2020-2022 avec l’implication de plusieurs préleveurs de  différents organismes sur la base d’un cahier des charges (Lepot et al, 2019). Les objectifs de cette étude étaient d’identifier les facteurs influents de l’échantillonnage pour les eaux résiduaires et d’estimer les incertitudes liées à l’échantillonnage et à l’analyse sur les eaux de sortie et d’entrée de station d’épuration urbaines et/ ou industrielles.
 
L’identification des facteurs influents de l’échantillonnage a été réalisée en partenariat avec l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse (AERMC). Des essais en conditions maîtrisées, faisant varier les facteurs tels que le type d’asservissement des  échantillonneurs (temps, débit), le volume unitaire prélevé (80, 120 et 160 ml) ainsi que le type d’échantillonneur, ont été conduits sur le banc d’essais de l’AERMC du 11 au 26 août 2020 avec leurs équipements (débitmètres pour l’asservissement au débit, échantillonneurs). L’intérêt du banc d’essais était de pouvoir tester plusieurs échantillonneurs en parallèle et de pouvoir simuler un échantillonnage en ayant la possibilité de faire varier à la fois les concentrations en certains polluants (sels et/ou matières en suspension) et le débit de manière cyclique.
Trois simulations (S1, S2 et S3) de variation de débit de circulation de l’effluent dans le banc d’essai ont été programmées. A chaque simulation, des ajouts en sels et en matières en suspension ont été effectués à différents pas de temps et de façons ponctuelle ou continue. Les caractéristiques de l’effluent, ont été suivies en parallèle à l’aide de sondes multiparamètres (pH, conductivité, turbidité, nitrates). Six échantillonneurs avec un programme d’échantillonnage différent (volume unitaire, type de préleveur, mode d’asservissement différent) ont été testés lors de chaque simulation. 
 
L’écart de justesse pour les concentrations mesurées (sels, matières en suspension), qui permettait de vérifier que les échantillonnages mis en oeuvre étaient représentatifs de l’effluent a été calculé pour chaque essai. Il a été comparé d’une part, à la dispersion entre les concentrations mesurées dans les volumes collectés par les 6 échantillonneurs, et d’autre part à l’incertitude de mesure de la sonde multiparamètres et à l’incertitude analytique associée aux concentrations des paramètres mesurés.
 
Pour les sels dissous (conductivité et nitrates) et pour les différents types d’ajouts, l’étude en conditions maitrisées a montré que ni le volume unitaire retenu pour les 6 échantillonneurs (80 ml/120 ml/160 ml), ni le type d’échantillonneur (pompe à vide PAV /pompe péristaltique PP), ni le type de programmation (asservissement au temps ou au débit) n’avaient d’impact sur les teneurs en sels dissous dans le volume final collecté.
 
L’écart de justesse et le coefficient de variation étaient du même ordre de grandeur, voire plus faibles que i) les incertitudes-types analytiques de mesure (k=1) pour la conductivité (entre 0.5 à 1.3%) et les nitrates (entre 2.5 et 5%) et ii) les incertitudes-types de la sonde multiparamètres utilisée pour la détermination des concentrations de référence pour la conductivité (1.1%) et les nitrates (2.5%).
 
Pour les matières en suspension (turbidité), les essais ont été biaisés du fait de la présence importante de bulles d’air sur le capteur de turbidité de la sonde multiparamètres et du régime hydraulique du banc conduisant pour les débits supérieurs à 20 m3/h à une surestimation des valeurs de turbidité. Toutefois, ni le volume unitaire, ni le type d’échantillonneur (PAV/PP), ni l’asservissement (débit / temps) n’ont permis d’expliquer les différences observées sur les mesures de turbidités dans les volumes collectés par les échantillonneurs.
 
La deuxième partie de l’étude a consisté à estimer les incertitudes de mesures incluant l’étape d’échantillonnage en s’appuyant sur le guide Eurachem1. Quatre organismes de prélèvements volontaires ont participé à cette étude sur 2020-2022. Ils sont  intervenus sur des effluents de stations d’épuration de typologies variées et de capacité de traitement allant de < 2500 équivalents habitant (EH) à > 200 000 EH. Ils ont réalisé systématiquement un double échantillonnage sur les eaux de sortie et/ou les eaux d’entrée. Les échantillons ont été analysés d’une part par un unique laboratoire (LABO A) pour tous les organismes de prélèvement, et d’autre part par le laboratoire de chaque organisme de prélèvement. Les échantillonnages ont été menés en conditions de routine selon les dispositions émises dans le fascicule de documentation FD T90-523-2.
 
L’étude a montré que quelle que soit la matrice (eau de sortie ou eau d’entrée) :
  • Les incertitudes de mesure élargies étaient relativement faibles (< 10%) pour les chlorures, l’azote Kjeldahl et le phosphore total et étaient nettement inférieures aux incertitudes analytiques déclarées par les laboratoires, ce qui semble montrer que les incertitudes analytiques déclarées par les laboratoires sont surestimées et mériteraient d’être affinées, et différenciées en fonction du niveau de concentration ;
  • Les incertitudes de mesure élargies étaient comprises entre 10% et 20% pour les paramètres : COT, DCO (pour toutes les matrices) et nitrites (pour les eaux de sortie) ;
  • Les incertitudes de mesure élargies étaient plus importantes (> 25%) pour les paramètres MES et les nitrates (nitrates mesurés que dans les eaux de sortie) ;
  • La contribution au budget incertitude provient majoritairement de l’analyse (> 50%) pour les paramètres suivants : chlorures, DBO, DCO, NKJ, COT, NO3 et NH4) ;
  • La contribution au budget incertitude provient majoritairement de l’étape échantillonnage (> 50%) pour les paramètres suivants : MES (contribution à hauteur de 65%), NO2 (61% pour les eaux de sortie) et phosphore total (54% pour les eaux d’entrée et 100% pour les eaux de sortie).
L’incertitude de mesure a également pu être évaluée pour chaque organisme, chacun ayant réalisé entre 7 et 9 échantillonnages en entrée ou en sortie de station d’épuration, ce qui a permis de disposer de suffisamment de données pour estimer les incertitudes de mesure selon l’approche statistique retenue. De plus, les échantillons pour lesquels l’analyse a été réalisée par deux laboratoires ont également fait l’objet d’une évaluation de l’incertitude de mesure, l’idée étant d’identifier un potentiel effet laboratoire.
Les incertitudes de mesure élargies évaluées par organisme participant et par laboratoire ont montré une dispersion suffisamment faible pour les paramètres phosphore total, azote Kjeldahl sur les eaux d’entrée, et pour les paramètres azote Kjeldahl, phosphore total, chlorures et ammonium sur les eaux de sortie, pour considérer que l’estimation des incertitudes de mesure associées à ces paramètres était robuste et pouvait être extrapolée au niveau national.
 
Il en ressort également que les incertitudes de mesure élargies estimées sont dépendantes du laboratoire d’analyses impliqué et peuvent considérablement varier et parfois être 4 fois plus importantes d’un laboratoire à un autre.
 

1 EURACHEM/CITAC Guide (2019) - Measurement uncertainty arising from sampling. A guide to methods and approaches. Second Edition 2019.

 

Auteur(s): 
Lepot B., Raventos C., Guigues N.
Nom de l'institut: 
INERIS, LNE
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