Synthèse sur la problématique de la surveillance des dithiocarbamates dans les eaux environnementales

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Public
Année: 
2017

 

Les dithiocarbamates (DTC) sont une famille de produits phytopharmaceutiques incluant de nombreuses substances actives introduites en France il y a plus de 40 ans. Certaines de ces substances actives ont encore des usages autorisés en France, notamment des usages fongicides dans l’agriculture.

La qualité des données de surveillance des DTC ainsi que leur pertinence soulève de nombreuses questions étant donné leur instabilité dans les eaux, les méthodes d’analyse « globale » utilisées par les laboratoires, les pratiques de bancarisation des données etc…

Compte tenu de toutes ces difficultés, les substances de cette famille ne sont pas mentionnées dans l’arrêté surveillance du 7/8/2015. Cependant le besoin de surveillance de ces substances persiste.

L’objectif de ce travail, réalisé dans le cadre du programme d’action AQUAREF pour l’année 2017, est de présenter les composés de la famille des DTC et leurs caractéristiques physico-chimiques, les méthodes d’analyses actuellement disponibles et d’établir des recommandations pour la surveillance de ces composés dans l’environnement aquatique.

La famille chimique des DTC compte plus de 20 substances. 15 sont traitées dans ce rapport et correspondent aux composés les plus retrouvés dans les bases de données (Sandre, ADES) et dans les publications scientifiques. Les 5 autres substances sont très peu décrites dans la littérature. Les 15 composés étudiés dans ce rapport sont classés en 8 sous-familles. Pour 4 des 8 sous-familles, les substances ont une structure unique par sous-famille et se différencient par leur complexe métallique :

  • les éthylènebis(dithiocarbamate) (EBD) avec le manèbe, le mancozèbe, le zinèbe, le nabame, le mancopper et le métirame,
  • le propylènebis(dithiocarbamate) (PBD) avec le propinèbe,
  • le méthyldithiocarbamate (MD) avec le métam-sodium,
  • le diméthyldithiocarbamates (DMD) avec le ferbame, zirame et dibame.

Pour les autres sous-familles, les DTC ne contiennent pas d’éléments métalliques. Ces composés sont dits neutres : le thirame, le disulfirame, le dazomet et le chinométhionate.

En ce qui concerne l’analyse des DTC, il n’existe pas de norme pour la matrice eau. Une norme européenne est disponible pour les matrices fruits et légumes. Les résultats sont exprimés sous la forme d’un « indice global », appelé « indice dithiocarbamate ». En effet, cette méthode ne permet pas la détermination des composés individuels mais dose tous les DTC qui forment du disulfure de carbone (CS2) après hydrolyse acide. Ce même protocole est décrit par une méthode américaine pour les eaux usées, avec ajout d’une purge de l’échantillon avant l’hydrolyse acide. Cette purge permet d’éliminer le CS2 déjà présent dans l’échantillon, pour ensuite s’assurer que le CS2 formé sous l’action d’une hydrolyse acide provienne uniquement des DTC présents dans l’échantillon. Cette méthode est également sujette à des interférences du fait de la présence d’autres composés (hors DTC) qui formeraient également du CS2.

Les laboratoires adaptent les principes de ces méthodes pour l’appliquer à la matrice eau. Les performances des laboratoires en termes de limite de quantification pour l’indice dithiocarbamates semblent insuffisantes pour remplir les critères de performances de la directive cadre européenne dans les eaux souterraines. Il n’existe actuellement aucune comparaison interlaboratoires pour ce paramètre permettant de vérifier la maîtrise des analyses et ainsi garantir la qualité des données.

La recherche bibliographique a montré que l’ensemble des DTC peut être aussi analysé en sous-familles ou individuellement. L’analyse spécifique des DTC par sous-famille est possible pour la somme des EBD (mancozèbe, métirame, manèbe, zinèbe, nabame et mancopper) d’une part, et la somme des DMD (zirame, ferbame et dibame) d’autre part. Il ne sera pas possible de différencier les composés de ces sous-familles, la mesure de la somme d’une sous-famille correspondra à la somme des substances individuelles de cette sous-famille. Pour ces complexes métalliques, ce qui est réellement mesuré est différent du principe actif puisque seul la forme sans l’ion métallique est détectée. Les autres DTC sont analysables individuellement (propinèbe, métam-sodium, thirame, dazomet, disulfirame et chinométhionate). Même si certaines références bibliographiques décrivent précisément ces méthodes d’analyse spécifiques, peu de références sont disponibles dans les eaux.

Les DTC ont une instabilité assez forte due à des processus d’hydrolyse et photolyse avec un temps de demi-vie inférieur à 1 journée pour la majorité des composés. Les produits de dégradation formés semblent plus stables que les parents. Cependant les informations quant à la stabilité des produits de dégradation dans les eaux sont très limitées. L’ensemble des produits de dégradation formés ont une structure « unique » sans ion métallique et sont tous analysables individuellement. Certains produits de dégradation sont communs à plusieurs DTC comme l’ETU pour la sous-famille des EBD, les PTU et PU pour la sous-famille PBD, le MITC pour le métam-sodium et dazomet, et le DMCS pour le thirame et le zirame.

A la suite de cette synthèse, AQUAREF recommande que :

  • la surveillance de ces substances soit faite par la mesure de la somme des EBD, de la somme des DMD, des autres composés individuels et de l’ensemble des produits de dégradation, après avoir montré la faisabilité analytique encore incertaine pour certains de ces paramètres et la conformité des performances aux exigences européennes.
  • les substances encore utilisées au niveau national (somme des EBD, somme des DMD, dazomet, métam-sodium et thiram) ainsi que leurs principaux produits de dégradation (DMCS, ETU et MITC) soient ciblées préférentiellement, dans un objectif de prioriser les développements analytiques et/ou les actions de surveillance, 
  • des études soient menées pour préciser les durées de stabilité des composés et leurs produits de dégradation dans les eaux.
  • la pratique de suivre un composé via son produit de dégradation et de « bancariser » le résultat sous le code du composé parent est une pratique à proscrire afin de limiter les confusions.

Ces recommandations s’appliquent principalement dans le contexte des eaux souterraines en raison de la réglementation actuelle sur les produits phytopharmaceutiques pour ces masses d’eau.

 

Auteur(s): 
Bristeau S., Ghestem JP.
Nom de l'institut: 
BRGM
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